Fabrication

Grande salle de fabrication des verreries Thouvenin à Vierzon en 1891.
Source : Archives départementales du Cher.

Les produits transparents tels que le verre, le demi-cristal, le cristal sont obtenus à partir de la fusion (environ 1000 degrés) d’éléments vitrifiants comme la silice ( sable blanc), alcalins (chaux, soude, potasse), et basiques (chaux éteinte, craie) et d’oxydes de différents types selon le produit souhaité.

Les produits opaques -appelés génériquement « opaline »- s’obtiennent par l’ajout de phosphate de chaux (cendre d’os) et d’oxyde d’étain. Ainsi ils présentent une opacité de couleur « opale » qui s’irise de reflets orangés à la lumière. L'opale ou " l'opaline de foire ", fabriquée en grande série, est un produit en demi-cristal d’opale ou en pâte de riz *.

La couleur blanche varie selon les pays : voir la différence entre le blanc savonneux des productions françaises et le blanc laiteux des manufactures américaines et anglo-saxonnes.

Les autres couleurs sont obtenues par l’adjonction de différentes sortes d’oxydes et ici aussi les proportions varient selon les manufactures.

* L'appellation « pâte de riz » (mélange constitué de silice, potasse et chaux) désigne un produit en verre semi-opaque qui ne présente aucun reflet orangé à la lumière.

En France les principaux sites de production se trouvaient dans les villes de :

- Portieux dans le département des Vosges,

- Vallérysthal, Meisenthal, Saint-Louis, tous trois dans celui de la Moselle,

- Baccarat, Vannes-le-Châtel en Meurthe-et-Moselle,

- Fains dans la Meuse, Bayel dans l’Aube,

- Sars-Poteries dans le Nord, Vierzon dans le Cher,

- Bercy à Paris,

mais il en existait bien d’autres, généralement situés à proximité de forêts (le bois fournissait l’énergie des fours ) et de terrains sablonneux ( voir ci-dessus : silice).

Vallérysthal : à gauche, banc de taille (façonnage), à droite, une des halles que l’on peut voir en se rendant à la cristallerie, avec au premier plan un banc de verrier. (Photos Plisson)

Précision

Pour tous les articles mentionnant « origine Vierzon » il faut comprendre :

« Verrerie de Vierzon - Les fils d’Adrien Thouvenin ».

Cette précision est nécessaire car des documents de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème prouvent qu’il y avait au moins trois verreries, sans rapport l’une avec l’autre, situées dans cette même ville du département du Cher.

Un savoir-faire au service du verre

Adrien Thouvenin exerça une vingtaine d’années à la verrerie de la Rochère avant d’être nommé directeur (1859-1877) de la verrerie de Vallérysthal. Il quitta ce poste, repris par son fils Paul, pour prendre la direction générale (1877-1887) des verreries de Vallérysthal et de Portieux. Albert, son second fils, travaillait dans le même groupe. Un désaccord avec le conseil d’administration lui coûte sa place tandis que Paul et Albert rejoignent ce qui semble être la plus importante des verreries de Vierzon.

D’autres pays comme :

- la Belgique (Verrerie du Val-Saint-Lambert…),

- l’Angleterre (Manufacture Sowerby, verrerie Davidson...),

- l’Allemagne ( Verrerie de Fenne, Streit...),

- les Etats-Unis (Westmoreland en Pennsylvanie, Fenton en Virginie et beaucoup d’autres.. .)

produisaient aussi des opales.

Crémier et coupe faisant partie d’un service de table ancien.
Origine U.S.A. Manufacture inconnue.
En Grande Bretagne et aux Etats Unis l’opale ou opaline de foire
est désigné par le terme « Milk Glass ».
On pourrait traduire cette expression par « Le verre couleur de lait » et son origine paraît évidente lorsque l’on constate que le blanc des « milk glass » a effectivement la couleur du lait. Voir ci-contre.

La salle des échantillons à Vallérysthall

Un véritable musée pour les amateurs de produits verriers, c’est aussi la mémoire de la verrerie, celle des femmes, des hommes et des enfants qui s’y sont succédés.

Vallérysthal : la salle des échantillons est remplie d’étagères sur lesquelles sont disposés et référencés des exemplaires d’objets conçus à la manufacture ainsi que les jauges de calibrage et les profils nécessaires à leur fabrication.(Photos Plisson)
Vallérysthal : ci- dessus on aperçoit, devant les échantillons réalisés, la superposition de profils découpés dans des plaques de zinc.
A leur droite, sont accrochées les jauges de calibrage correspondantes. En fer elles rouillent avec le temps. (Photos Plisson)
Vallérysthal : à gauche : la salle des moules en fonte.
A droite : une presse sur laquelle sont posés d’autres moules et au fond une partie du hall d’exposition des articles disponibles à la vente.(Photos Plisson)

Verre moulé ou verre pressé.

◊  On utilisa d’abord un moule en bois (généralement en hêtre) fabriqué au sein de l’usine que l’on remplaça ultérieurement par un moule en fonte : préalablement chauffé, dans lequel le verrier verse la paraison (goutte de verre en fusion cueilli avec la canne), l’étale avant que son compagnon referme le moule, le pressant fermement de façon à ce qu’elle prenne place dans le décor en creux de l’outil.

  La fabrication d’un moule en fonte était coûteuse, aussi vers 1900, il fallait compter sur un tirage minimum de1500 à 2000 pièces pour en décider l’investissement. L’importante utilisation des moules nécessitait un entretien régulier, parfois des réparations, réalisés à la maréchalerie (ou moulerie) de la manufacture.

◊   Les articles étaient fabriqués en verre ordinaire (verre commun), demi-cristal ou cristal de plusieurs couleurs puis travaillés à froid (gravés, dépolis, décorés) ou non.

 ◊   Le même moule était utilisé pour la production de verre transparent, verre dychroïde (cf. définition en 7.68) ou verre opalin (en demi-cristal pour l’opale et en  cristal pour l’opaline).

Vallérysthal : anciens moules en bois. (Photo Plisson)

Moules en fonte du beurrier « éléphant » de Vallérysthal. (Photo Christoph).

           La production d’un même article pouvait s’étaler sur plusieurs décennies, une cinquantaine d’années pour certains, comme le montrent les catalogues de présentation des manufactures :

c’est le cas chez Portieux,  des sucriers « Houblon » (Cf.  photo 3.52), « Grec » (photo 3.87), « Pigeon » (photo 3.38), « Boule »  (photo 3.25), d’autres modèles encore, présents dans les catalogues de1886 et suivants jusqu’à celui de 1933 ;

chez Bayel & Clairey,  du sucrier « Ovale à pans » (Cf. 3.79), de la salière double « Âne » (Cf. 4.27) entre-autres, présents dans les catalogues de1886 et suivants dont celui de1923.

            On retrouve ces exemples dans la plupart des  manufactures.

            ◊ La production des pièces de forme, de pièces de style, en opale ou non, destinée aux classes  populaires par leurs  prix attractifs,  la simplicité de leur représentation : objets usuels, fruits, légumes, animaux familiers ou facilement  identifiables,  personnages historiques, religieux, ou d'imageries populaires, situations humoristiques telles que le gland surmonté d’un écureuil (Cf. le chapitre « L’opaline de foire ? »),  la tortue  portant un escargot (Cf. photo n° 2.17) ou un personnage (cf. n° 2.18 ), l’automobile que l’on ne peut acquérir (Cf.  photos 3.48, 3.73, 3.107). La production de ces objets utilitaires conçus pour distraire, amuser, faire rêver, cessera à l’aube de la seconde guerre mondiale.  

Dessin de Benjamin Rabier.
(1864 – 1939)
Les Contes de la tortue mauve.
Paris, Jules Tallendier, 1934.
Fontaine de Bacchus (1560)
de  Valerio  Cigoli
représentant le nain Morgante, favori de Cosme 1er de Médicis, assis sur une tortue.
Jardin Boboli  à  Florence.
 (photo Plisson).
Dessin de Job.
(1858 – 1931)
ABC Petits Contes de Jules Lemaître.
Tours, Maison Alfred Mame & Fils, 1919.

            ◊ Toutefois Vallérythal & Portieux, à l’aide des anciens moules, reprirent  leur production d’opale aux environs des années 1970 avant de l’arrêter définitivement.  

            De la fin du 20ième siècle jusqu’à leur fermeture en 2012, les verreries réunies utilisèrent ces mêmes moules pour la fabrication d’articles transparents de diverses couleurs.

◊ Aux environs des années 1868-1935,  des manufactures européennes comme américaines produisirent également des articles de fantaisie.

La consultation des divers catalogues montre, parfois, des articles quasiment identiques à ceux qui étaient produits par les manufactures françaises.

Manufacture Radeberg (Allemagne)
Extraits du catalogue de 1890.
Manufacture Walther & Söhne (Allemagne).
Extraits du catalogue de 1904.
Manufacture Zabkowice  (Pologne)
Extrait du catalogue de 1910.
Manufacture Dyatkovo (Russie)
Extrait du catalogue de 1903.

Les illustrations précédentes proviennent des magazines Pressglas-Korrespondenz.

Cf. le chapitre « Références et liens » qui présente des catalogues d’une majorité de manufactures européennes.

Dans le même chapitre, le site de la National Milk Glass Collectors Society présente un grand nombre d’articles provenant de manufactures américaines et européennes.

◊ Rappelons enfin que la production d’articles de fantaisie à bas prix n’a pas empêché les manufactures de Portieux, de Vallérysthal, comme  d’autres également, de proposer une production plus prestigieuse qui leur a permis d’être primées lors d’expositions internationales. 

En- tête de facture datée du 22 septembre 1898 et extrait du catalogue de dessins, prix courant, septième partie, de 1914.  (Collection privée)